par 26 mars 2020

Comment s’articulent les droits et obligations du licencié à la suite de la cession de la marque en cause ? C’est la question à laquelle répond la Cour d’appel de Paris dans cette affaire par une décision du 18 octobre 2019.

Une société, ayant pour activité la fabrication d’articles d’habillement, a, par contrat du 25 septembre 2012, pris une licence de marque auprès d’un donneur de licence, l’autorisant à fabriquer et commercialiser des chaussures et articles chaussants sous ladite marque.

La marque a fait l’objet d’un transfert à un tiers dans le cadre d’une cession de fonds de commerce intervenu le 29 mai 2013.

Le cédant a informé le licencié les 30 mai et 5 juillet 2013 de la reprise du contrat de licence par le cessionnaire.

Le cessionnaire et le licencié ont par la suite eu de nombreux échanges, le licencié ayant notamment demandé la renégociation des modalités contractuelles relatives aux minimas de redevances.

Le donneur de licence a, par courrier du 25 avril 2014, résilié le contrat de licence, suite à des manquements de la part du licencié, notamment l’abandon par celui-ci de la préparation de la collection Printemps-Eté 2015.

La cession de la marque a été inscrite au Registre national des marques tenu par l’INPI le 19 juillet 2014.

Le 26 mars 2015, le titulaire de la marque a assigné l’ancien licencié en condamnation de redevances impayées et paiement de dommages-intérêts.

Le licencié a contesté la recevabilité à agir du nouveau titulaire de la marque, aux motifs que :

  • L’inscription du transfert de la marque auprès de l’INPI n’ayant été effectuée qu’après la survenance du litige, la cession lui était inopposable ; en effet, selon l’article L.714-7 du Code de la propriété intellectuelle, « toute transmission ou modification des droits attachés à une marque enregistrée doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au Registre national des marques. » ;
  • Le licencié n’ayant pas donné son accord au transfert du contrat de licence, le cessionnaire ne pouvait invoquer les droits tirés du contrat de licence à son encontre.

Opposabilité de la cession

Le Tribunal de Commerce de Paris n’a pas suivi ce raisonnement et a, au contraire, affirmé, dans une décision du 6 juin 2018, que « la déclaration à l’INPI, imposée à l’article L.714-7 du Code de la propriété intellectuelle est une simple formalité à l’égard des tiers sans incidence sur les droits des cocontractants ».

Il s’appuie sur une décision similaire rendue par la Cour de cassation le 3 mars 2004, laquelle statuait : « La publicité exigée à l’article L.714-7 du Code de la propriété intellectuelle n’étant destinée qu’à informer les tiers et à leur rendre la cession de marque opposable, ce texte est sans application dans les rapports entre le cessionnaire de la marque et son cocontractant. »

La Cour d’appel de Paris confirme cette position, et indique, dans son arrêt du 18 octobre 2019, que « la publicité prévue par l’article L.714-7 du Code de la propriété intellectuelle est destinée à informer les tiers et à leur rendre la cession de marque opposable, mais n’est pas applicable dans les rapports entre le cessionnaire de la marque et son cocontractant, de sorte que [le licencié] n’est pas fondé […] à se prévaloir de la disposition susvisée, outre qu’à la date de l’instance la cession avait été régulièrement inscrite au registre des marques ».

Le lecteur de ces lignes est cependant troublé car le lien contractuel invoqué n’est pas celui qui lie les parties au contrat de cession dont la question de l’opposabilité est posée mais celui existant entre les parties au contrat de licence. Or, quand il est fait référence aux « rapports entre le cessionnaire de la marque et son cocontractant », c’est bien des rapports entre le cessionnaire et le cédant dont il s’agit, puisque c’est la formalité d’inscription de la cession qui est en question.

Le licencié de son côté est potentiellement le cocontractant du cessionnaire mais dans le cadre du contrat de licence. Il est en revanche bien un tiers au contrat de cession.

Est-ce en raison de cette ambiguïté que la Cour a jugé nécessaire de préciser « outre qu’à la date de l’instance la cession avait été régulièrement inscrite au registre des marques » ?

Transfert du contrat de licence

Sur la question de savoir si le licencié avait ou non consenti au transfert du contrat, la Cour retient que le licencié a été informé de la cession de la marque et qu’il ressort des échanges intervenus entre le cessionnaire et le licencié que ce dernier a poursuivi l’exécution du contrat et manifesté de façon non équivoque sa volonté d’accepter la cession du contrat de licence au profit du cessionnaire.

En conclusion

Les juges ont, semble-t-il, voulu sanctionner la mauvaise foi du licencié qui aurait opportunément cherché à échapper à ses obligations. Il n’en reste pas moins que l’argumentaire juridique autour de l’opposabilité est quelque peu bancal.

Par Annie Hellstern