Cette mise en place fait partie des efforts de la France pour attirer de grands groupes internationaux et pouvoir intervenir largement sur les contentieux du commerce international, notamment dans le cadre du Brexit.
Le 7 février 2018, deux protocoles ont été signés en présence de la Ministre de la Justice, Nicole Belloubet, dans le but de mettre en place une chambre internationale au sein de la Cour d’appel de Paris et de compléter ainsi le dispositif de chambres internationales des juridictions parisiennes, notamment la chambre internationale du Tribunal de commerce de Paris, en place depuis 1993. Cette nouvelle chambre fonctionne déjà depuis le 1er mars 2018 et une première décision sous protocole a été rendue le 15 janvier dernier.
La signature de ces protocoles fait suite à un rapport de 2017 de Guy Canivet, Premier Président honoraire de la Cour de cassation et ancien membre du Conseil constitutionnel, qui préconisait de mettre en place des chambres internationales à Paris afin d’anticiper la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne. Il s’agit en effet de profiter du Brexit en donnant à Paris les moyens d’être attractif dans la résolution des litiges internationaux et plus particulièrement par rapport à Londres dont les décisions risquent désormais de devoir passer par la procédure d’exequatur.
L’objectif est d’attirer de grands groupes internationaux et de pouvoir intervenir largement sur les contentieux du commerce international même les plus complexes, tels que les contrats internationaux et la rupture des relations commerciales, les litiges de concurrence déloyale, les actions en réparation pour pratiques anticoncurrentielles ou encore les litiges en matière de transport international. Mais c’est, avant, tout une juridiction de second degré, elle est donc compétente pour les recours contre les décisions de la chambre internationale du Tribunal de commerce de Paris et plus largement pour les recours contre les décisions à dimension internationale rendues en matière commerciale. Par ailleurs, en matière d’arbitrage elle peut juger les recours contre les décisions arbitrales formés depuis le 1er janvier 2019.
Afin de rendre la CICAP attractive, les chambres internationales se dotent d’une procédure adaptée aux enjeux de la matière et inspirée des pratiques procédurales des pays de common law. Ainsi, il est laissé une grande place à l’oral, les protocoles ont mis en place une procédure orale approfondie avec l’audition des témoins et des experts qui se déroule sur plusieurs jours. La procédure se rapproche aussi de la culture anglo-saxonne en reprenant par exemple la cross examination qui permet de débattre contradictoirement des témoignages et des auditions.
Par ailleurs, toujours dans le souci de s’adapter au commerce international, l’anglais y est très présent. Les pièces peuvent être déposées en anglais sans besoin de traduction tout comme les plaidoiries et les auditions qui peuvent se faire en anglais. Un avocat étranger pourra donc intervenir en anglais dès lors qu’il est habilité à plaider devant la Cour d’appel de Paris. Cependant, les actes de procédure restent en français et l’arrêt est lui aussi rédigé en français mais accompagné d’une traduction en anglais.
Pour les pièces qui seraient déposées dans une autre langue étrangère il sera nécessaire de fournir une traduction et les échanges oraux devront faire l’objet d’une traduction simultanée.
Un attrait du protocole est la possibilité d’attribuer compétence à la CICAP par une clause attributive de juridiction. Aujourd’hui il est en effet possible de prévoir une clause désignant directement les chambres internationales.
Les juridictions parisiennes disposent donc aujourd’hui d’un dispositif complet de chambres internationales avec une procédure plus souple et adaptée aux problématiques des litiges internationaux en matière commerciale. Ces chambres devraient aussi représenter une bonne alternative à l’arbitrage international avec une procédure qui s’en rapproche mais présente l’intérêt d’être beaucoup moins onéreuse.
Les décisions rendues par la CICAP seront donc suivies avec attention pour savoir si ce dispositif parvient à concurrencer les autres chambres internationales et à faire de Paris un for attractif pour les litiges internationaux.
Article rédigé par Laura FRETAUD du cabinet LLR