Le 15 décembre 2015, le Parlement Européen a adopté une réforme, dite réforme « Paquet Marques », ayant pour but d’harmoniser et de moderniser le droit des marques au sein de l’Union Européenne, tout en renforçant la coexistence avec les systèmes nationaux des états membres.
Cette réforme est entrée en vigueur le 23 mars 2016 et a conduit à l’adoption de deux nouveaux textes législatifs :
- la Directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015, modifiant la Directive 2008/95/CE.
Entrée en vigueur le 23 janvier 2016, elle devra être transposée aux législations nationales dans un délai de trois ans (soit avant le 14 janvier 2019).
- le Règlement 2015/2424, modifiant les règlements 207/2009/CE et 2868/95/CE, devenu pleinement effectif depuis le 1er octobre 2017.
A cette occasion, nous vous proposons de revoir les points principaux de cette réforme.
De nouvelles dénominations
La réforme a entrepris de moderniser certaines dénominations, jugées trop désuètes, et de remplacer notamment le terme « communautaire » par « de l’Union Européenne ».
La marque communautaire est devenue marque de l’Union Européenne.
De même pour l’Office de l’Harmonisation pour le Marché Intérieur (OHMI), renommé Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO).
Exigence de précision et clarté du libellé
Dans la continuation de l’orientation donnée par la CJUE dans son arrêt IP Translator de 2012, la réforme insère l’exigence d’une liste « claire et précise » des produits et services visés par une marque.
La marque ne sera alors protégée que pour ces produits et services expressément cités, sans préjudice d’une éventuelle protection étendue aux produits et services similaires.
De nouveaux motifs de refus à l’enregistrement d’une marque
La liste des antériorités opposables aux nouvelles demandes d’enregistrement s’allonge puisqu’on y ajoute les appellations d’origine, les indications géographiques, les mentions traditionnelles pour les vins, les spécialités traditionnelles garanties ainsi que les dénominations de variétés végétales.
Il convient également de noter que le refus d’enregistrement pourra être fondé sur plusieurs droits antérieurs.
De plus, seront refusées à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclarées nulles si elles sont enregistrées les marques de forme ou tridimensionnelles, à savoir « les signes constitués exclusivement :
- par la forme, ou une autre caractéristique, imposée par la nature même du produit ;
- par la forme, ou une autre caractéristique du produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ;
- par la forme, ou une autre caractéristique du produit, qui donne une valeur substantielle au produit ; ».
Création d’une marque européenne de certification
Ce système était déjà présent dans certains systèmes nationaux de l’Union.
Il est étendu au niveau de l’Union Européenne pour représenter une marque « propre à distinguer les produits ou services pour lesquels la matière, le mode de fabrication des produits ou de prestation des services, la qualité, la précision ou d’autres caractéristiques, à l’exception de la provenance géographique, sont certifiés par le titulaire de la marque par rapport aux produits ou services qui ne bénéficient pas d’une telle certification ».
La marque européenne de certification servira donc à « garantir les caractéristiques spécifiques » des produits ou services visés.
Suppression de l’exigence de représentation graphique
Tout signe pourra constituer une marque s’il peut être représenté « dans le registre des marques de l’Union Européenne d’une manière qui permette aux autorités compétentes et au public de déterminer précisément et clairement l’objet bénéficiant de la protection conférée à leurs titulaires ».
Ainsi, un signe pourra être représenté « sous n’importe quelle forme appropriée au moyen de la technologie communément disponible, et donc pas nécessairement par des moyens graphiques, du moment que cette représentation offre des garanties satisfaisantes à cette fin », avec pour seule condition que la représentation soit « claire, précise, distincte, facilement accessible, intelligible, durable et objective ».
Cela ouvrira donc théoriquement l’enregistrement à des marques autres que graphiques, comme par exemple les marques olfactives, gustatives, sonores ou tactiles, peu admises jusqu’à présent, sous réserve de la qualité de leur représentation.
Modification des taxes officielles
Auparavant, il existait un forfait « trois classes » qui permettait aux déposants de demandes d’enregistrement de marques de l’Union Européenne de payer le même prix qu’ils visent une, deux ou trois classes de produits ou services.
Ce forfait a été abandonné au profit d’un système de paiement d’une taxe par classe.
Cette nouveauté a pour but de favoriser le dépôt de marque en ne visant que les produits ou services réellement d’intérêt, afin de désencombrer les registres.
Importance donnée à la marque renommée
La marque renommée va dorénavant être mieux prise en compte puisqu’elle pourra servir de base à une opposition ou de fondement pour un refus à l’enregistrement d’une demande postérieure.
Elle bénéficiera également d’une protection étendue au niveau national par le droit des marques de chaque État membre.
Durcissement de la preuve de l’usage dans les procédures d’opposition
Concernant la demande de preuves d’usage dans une procédure d’opposition française, il faudra désormais prouver l’usage de la marque antérieure servant de base pour chaque produit ou service invoqué contre la demande d’enregistrement contestée, et non plus pour un seul produit ou service invoqué comme c’était le cas en France avant ces nouveaux textes.
Création de procédures administratives de déchéance et de nullité
Auparavant, ces actions étaient de la compétence des tribunaux judiciaires dans la plupart des États membres, notamment en France.
Dans le but de désengorger les tribunaux, les États membres devront prévoir une procédure administrative « efficace et rapide » devant les Offices nationaux (l’INPI en France) ce qui est déjà appliqué par l’EUIPO.
Cette mesure est la seule à disposer d’un délai supplémentaire pour sa mise en œuvre, puisqu’elle devra être effective sous sept ans, à savoir au plus tard le 14 janvier 2023.
Renforcement de la lutte anti-contrefaçon
La réforme vient renforcer les droits de titulaires de marques en autorisant la réalisation de saisies douanières pour des marchandises contrefaisantes en transit sur le territoire de l’Union Européenne mais non destinées à y être vendues, si elles sont destinées à un pays où le titulaire de la marque n’est pas protégé.
Les titulaires pourront également interdire « l’apposition d’une marque contrefaite sur des produits, ainsi que les actes préparatoires réalisés préalablement à cette apposition ».