par Myriam ALLAB, 25 juin 2024

Le nouveau traité de l’OMPI établit des obligations de transparence pour les inventions liées à des ressources génétiques ou des savoirs traditionnels associés à ces ressources.

Accord sur un compromis entre les participants à la Conférence diplomatique

Le traité sur la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques (ci-après « le traité »), signé le 24 mai 2024, est l’aboutissement de plus de 20 ans de négociations entre les États membres de l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle).

Il traite en particulier des ressources génétiques et des savoirs traditionnels détenus par les peuples autochtones et les communautés locales. Les États membres l’ont signé à l’issue de la conférence diplomatique qui s’est tenue du 13 au 24 mai 2024 à Genève.

Initiées à la suite d’une proposition de la Colombie en 1999, les discussions ont abouti à un texte qui tient compte des attentes des pays du Sud, et ont inclus les peuples indigènes et les communautés locales dans la réflexion.

Les principes posés par le protocole de Nagoya

La Convention sur la diversité biologique (CDB), signée en 1992, a comme objectifs la conservation de la diversité biologique, l’utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques.

Le protocole de Nagoya, adopté en 2010 dans la continuité de la CDB, établissait les bases d’un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques entre les pays de l’ONU. Il reconnaît la souveraineté des États sur leurs ressources génétiques et les droits des populations sur les Connaissances Traditionnelles associées à ces ressources.

Les objectifs du protocole de Nagoya sont :

– améliorer l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées en vue de leur utilisation, en soumettant par exemple ces accès au consentement préalable de l’État ou des communautés concernées,

– permettre un partage plus juste et équitable des avantages issus de leur utilisation,

– faire adopter par les États des mesures pour s’assurer du respect de ces principes.

Néanmoins, des pays importants, comme par exemple les États-Unis, n’ont pas signé ou ratifié le protocole de Nagoya.

La question des sanctions éventuelles pour le non-respect de l’obligation de consentement des parties ou du juste retour des avantages issus de l’exploitation constituait une difficulté à surmonter pour parvenir à un consensus sur un nouveau traité.

La France avait déjà mis en œuvre le protocole de Nagoya

La France se distingue par une biodiversité riche, à préserver, que ce soit en métropole ou en Outre-Mer (forêt amazonienne, récifs coralliens…). Les ressources génétiques qu’offre cette biodiversité sont au cœur d’activités de recherche et développement, dans de nombreux domaines.

Un dispositif national d’accès et de partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées (dispositif APA) a été instauré par la loi du 8 aout 2016.

L’article L.412-18 du code de l’environnement organise la transposition de ces règles dans la loi française. L’article énonce ainsi que si l’utilisation de ressources génétiques ou de connaissances associées conduit à une demande de brevet, le déposant doit adresser à l’INPI les informations relatives à l’obtention de ces ressources.

Relevons que le code de l’environnement français définit aussi les savoirs traditionnels. L’article L.412-4 définit les connaissances traditionnelles associées à une ressource génétique comme « les connaissances, les innovations et les pratiques relatives aux propriétés génétiques ou biochimiques de cette ressource, à son usage ou à ses caractéristiques, qui sont détenues de manière ancienne et continue par une ou plusieurs communautés d’habitants mentionnées, ainsi que les évolutions de ces connaissances et pratiques lorsqu’elles sont le fait de ces communautés d’habitants« .

Des obligations de transparence pour les demandes de brevet, mais avec quelles sanctions ?

Le traité prévoit des dispositions spécifiques dans son article 3.

– Lorsque l’invention est fondée sur des ressources génétiques, le déposant doit divulguer le pays d’origine des ressources génétiques. S’il n’est pas connu, le déposant doit divulguer la source des ressources génétiques.

– Lorsque l’invention est fondée sur des savoirs traditionnels associés à des ressources génétiques, le déposant doit divulguer le peuple autochtone, ou la communauté locale, qui a fourni les savoirs traditionnels. S’il n’est pas connu, le déposant doit divulguer la source des savoirs traditionnels.

Si le déposant ne connaît pas ces informations, il devra faire une déclaration à cet effet.

En revanche, l’article 5, qui porte sur les sanctions, laisse à chaque partie contractante le choix de prévoir des sanctions ou mesures correctives après la délivrance en cas d’intention frauduleuse. Toutefois, l’article 5.4 exclut expressément la possibilité de révocation ou d’annulation du brevet au seul motif du non-respect des obligations de divulgation prévues par l’article 3.

Il s’agit là d’un recul pour certains pays dont la législation prévoit justement des conséquences sur la validité ou l’opposabilité du brevet.

Enfin, le contrôle de l’authenticité des déclarations n’est pas prévu dans ce nouveau Traité.

Encore plusieurs étapes après cette signature

Le traité entrera en vigueur lorsque que 15 États signataires l’auront ratifié.

Soulignons que, comme dans la convention sur la biodiversité, les ressources génétiques humaines ne sont pas couvertes par cet accord.

Il appartiendra aux États contractants de définir, dans leur législation nationale, les modalités pratiques d’application du traité. Comme nous l’avons vu plus haut, la question des sanctions éventuelles en cas de non-respect des dispositions sera probablement à considérer avec soin. Ces législations, dans le cas des pays européens, devront en outre concilier les exigences du règlement européen 511/2014 et de son règlement d’exécution 2015/1866, qui instaurent une obligation de diligence nécessaire de la part des utilisateurs.

L’INPI souligne à cet égard le rôle à jouer par les offices de propriété industrielle, conformément aux  articles 3.4 et 3.5 du Traité.

Par Myriam ALLAB, le 25 juin 2024