par Mathilde ESCUDIER, 9 juillet 2024

Par la présente décision de l’INPI du 10 novembre 2023 concernant la marque figurative L’OIGNON DE TREBONS, plusieurs motifs de nullité d’une marque sont invoqués et étudiés.

Cette décision de l’INPI laissera peut-être un goût amer au titulaire de la marque, qui a vu son titre partiellement annulé, mais elle est instructive quant à l’appréciation de certains motifs de nullité d’une marque.

En l’espèce, la COOPERATIVE DU HARICOT TARBAIS SCA a déposé le 2 février 2022 la demande de marque française L’OIGNON DE TREBONS n°224839700 en classes 29, 30 et 31.

Le 24 janvier 2023, l’association COMITE DE L’OIGNON DE TREBONS a présenté une demande en nullité sur les motifs suivants :

  • Le signe est de nature à tromper le public,
  • Le signe consiste en la dénomination d’une variété végétale,
  • La marque a été déposée de mauvaise foi,
  • L’atteinte à la dénomination sociale antérieure « Comité de l’Oignon de Trébons »,
  • L’atteinte au nom, à l’image ou à la renommée de la commune de TREBONS.

Rejet par l’INPI de certains motifs de nullité

Après étude de chacun des motifs invoqués par le demandeur, l’INPI décide de rejeter la demande de nullité en ce qui concerne :

– la dénomination d’une variété végétale, car en l’espèce la dénomination de la variété végétale est HOURCADERE et ce terme n’est pas repris au sein de la marque contestée ;

– l’atteinte au nom, à l’image ou à la renommée de la commune de TREBONS, car ce motif ne peut être invoqué que par le titulaire du droit antérieur (en l’occurrence la collectivité territoriale en cause ou un établissement public de coopération intercommunale) ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

L’INPI rejette également la demande de nullité sur le motif de l’atteinte à la dénomination sociale antérieure. Il nous paraît important de souligner que pour obtenir la nullité sur ce motif, il faut démontrer :

l’activité exercée sous la dénomination sociale, laquelle on le rappelle n’est pas nécessairement l’activité inscrite au Greffe, ainsi que

l’existence d’un risque de confusion entre cette activité et les produits/services visés par la marque contestée.

Or en l’espèce le demandeur ne soumet pas d’argumentation sur la confusion existant entre son activité et le libellé de la marque contestée. L’INPI ne pouvant se substituer au demandeur, la nullité est rejetée sur ce motif.

Focus sur le caractère trompeur et la mauvaise foi

S’agissant du caractère trompeur, l’INPI rappelle que l’analyse doit être faite in abstracto, « uniquement en considération du signe en lui-même, au regard des produits ou services tels que désignés, indépendamment du contexte et de l’usage qui en est fait » (CA Paris 19 octobre 2005, VORTEX, n° 04/19319).

En l’espèce, l’INPI estime que le public pertinent s’attend légitimement à ce que certains produits contiennent de l’oignon (ex : confitures, compotes, conserves de viande, plats cuisinés à base de viande, etc.) ou bien soient de l’oignon (ex : légumes frais). Aussi pour ces produits, la nullité de la marque est prononcée.

En revanche, la marque est maintenue pour les produits qui précisent la mention « étant de l’oignon de Trébons » et pour ceux pour lesquels il n’est pas démontré que le consommateur est à même d’attendre une caractéristique particulière de ces produits en lien avec l’oignon de Trébons (ex : viande, poisson, riz, biscuits).

Cette décision illustre le fait que le travail sur la rédaction du libellé, en ajoutant par exemple une mention sur la provenance ou la nature du produit, peut suffire à écarter le risque d’un rejet des produits pour caractère trompeur.

En revanche, l’on peut s’étonner du fait que le caractère trompeur semble être apprécié plus strictement pour les produits légitimement susceptibles de contenir de l’oignon (ex : la confiture) que pour les produits a priori sans lien avec l’oignon (ex : riz). Toutefois, peut-être est-ce justement parce que le consommateur s’attend à ce qu’il y ait de l’oignon qu’il faut être plus rigoureux sur le risque de tromperie. 

S’agissant de la mauvaise foi, l’INPI rappelle qu’elle doit être appréciée au regard de tous les facteurs pertinents de l’espèce, au jour du dépôt de la marque contestée et qu’elle doit être prouvée par celui qui l’invoque.

Deux éléments sont examinés par l’INPI : la connaissance par le déposant de l’usage du signe invoqué OIGNON DE TREBONS et son intention maligne.

En effet la seule connaissance de l’usage du signe antérieur n’est pas suffisante. En l’espèce l’intention du déposant de porter atteinte aux usages honnêtes faisant défaut selon l’INPI, la demande de nullité sur la base de la mauvaise foi est donc rejetée.

Cette décision qui fait état de nombreux motifs de nullité d’une marque est l’occasion pour l’INPI de rappeler certains principes d’appréciation de ces motifs. Il est utile d’avoir à l’esprit ces critères d’analyse non seulement en amont du dépôt d’une marque, pour anticiper une objection de fond que l’on sait difficile à faire annuler, mais également dans le cadre d’une action en nullité, pour mieux préparer ses arguments.