Cette question a son importance pour l’application du droit en matière de marques. Lorsque des produits revêtus d’une marque sont proposés à titre gratuit aux consommateurs, la Cour de cassation dans son arrêt du 6 décembre 2023 (Ouest SCS c/ Chanel, Pourvoi P 20-18.653) confirme qu’il n’y a pas de mise dans le commerce.
Cela a des implications directes sur l’application du principe de l’épuisement du droit de marque.
En effet, ce principe suppose obligatoirement une première commercialisation des produits dans l’Union européenne ou l’Espace économique européen, par le titulaire de la marque qui épuise alors son droit à réagir contre toute revente par un tiers de ces mêmes produits.
En l’espèce, Chanel a soutenu devant la Cour d’appel puis la Cour de cassation qu’il n’y avait pas épuisement de son droit car les produits originaux vendus par l’adversaire n’avaient pas fait l’objet d’une mise dans le commerce par Chanel, au sens de la directive 89/104 ou du règlement n° 40/94, mais d’une simple remise à titre gratuit.
La Cour de cassation, comme la Cour d’appel, a accueilli la thèse de Chanel, rejeté le pourvoi de son adversaire et suivi dans sa décision l’arrêt de principe qui avait été rendu par la CJUE dans une affaire L’Oréal le 12 juillet 2011 (C-324-09).
Cette décision prise en réponse au premier moyen de la demanderesse (seul étudié ici) permet de rappeler aux commerçants que l’épuisement du droit des titulaires de marques est un moyen de défense délicat à manier, qui ne s’applique que dans des circonstances précises qui doivent impérativement être respectées.
En effet, il s’agit d’une exception au droit exclusif conféré par la marque, qui prend sa source dans le principe de la libre circulation des marchandises.
Mais, comme toute exception, elle reste d’application stricte.
Par Gilles Escudier (mardi 4 juin 2024)