par 28 mai 2019

Microsoft, acteur reconnu du logiciel privateur, se tourne vers le monde du logiciel libre, un choix de stratégie qui tend à valoriser l’image dans la stratégie globale de valorisation de l’entreprise.

La presse annonçait en octobre 2018 que Microsoft avait rejoint les membres de la communauté OIN (Open Invention Network), fonds de propriété intellectuelle dont le but est de développer l’usage du logiciel libre tel que Linux.

L’adhésion de Microsoft à l’OIN peut apparaitre comme un revirement de situation dans la mesure où la firme de Redmond a jusqu’alors été bien souvent perçue comme un acteur prépondérant du logiciel privateur. On se souviendra par exemple de la réaction de nombreux partisans du logiciel libre à l’évocation par l’État français, il y a quelques années, d’un partenariat avec Microsoft dans le cadre du plan numérique à l’école visant à apporter une aide aux acteurs français de l’e-Education.

En devenant membre de l’OIN, Microsoft a rejoint une communauté de plusieurs milliers d’acteurs bénéficiant d’un accès gratuit aux brevets OIN et en particulier aux brevets Linux de participants. D’autres grands acteurs sont membres comme Google, IBM, NEC, Philips, Red Hat, SUSE, Sony, …, tous désireux d’encourager le développement de nouvelles innovations par la réutilisation de codes sources existants et enrichis. Ainsi, chacun de ces acteurs peut bénéficier d’un libre-accès aux technologies protégées par les titres mis en commun dans ce pool de brevets en rétribution de la mise à disposition de ses propres technologies apportées au pot commun, toujours sous la forme de brevets. Le partenariat se concrétise par la souscription de licences gratuites.

On est, dans ces conditions, loin de l’esprit du patent pool dans lequel plusieurs brevetés s’associent pour valoriser communément et à titre onéreux leurs brevets (dit « brevets essentiels ») en correspondance de technologies dont la mise en œuvre est essentielle à celle d’un ou plusieurs standards. MPEG-LA, par exemple, a été parfois largement décrié pour sa valorisation massive. D’autres encore ont été montrés du doigt, accusés de patent trolling. Dans le même temps, le consortium MPEG-LA apparaissait pour certains comme un exemple de réussite en termes de valorisation de portefeuille de titres et de création de brevets essentiels.

L’image d’un même acteur peut donc varier considérablement selon le point de vue et en fonction de la place de l’observateur dans (ou hors de) l’écosystème concerné. Si la stratégie de valorisation d’un acteur dépend bien évidemment de sa situation et de ses marchés, il importe d’y associer son image à long terme et d’intégrer un retour d’expérience, éventuellement plus global que sa propre expérience, sur l’adoption de pratiques nourrissant voire accélérant la capacité d’innovation au sens large. Passer du monde du logiciel privateur à celui du logiciel libre peut aussi être simplement insufflé par de nouveaux arrivants dans l’entreprise, déjà convaincus des bienfaits du logiciel libre pour l’innovation en général, et faisant le pari que l’image véhiculée par un tel changement est au moins aussi porteuse, sinon plus, que d’autres modes de valorisation, étant ou étant perçus comme antagonistes au développement de l’open source et de l’innovation au sens large.

L’image seule est un critère d’importance croissante dans la stratégie globale de valorisation de l’entreprise et mérite une attention toute particulière tant elle influe sur la confiance des clients, ou le comportement de partenaires ou même de concurrents.

La stratégie globale de gestion d’un patrimoine d’actifs se doit donc d’être bâtie minutieusement, avec une grande connaissance des enjeux, une bonne perception des marchés et une expérience solide. Il est toujours important de pouvoir évaluer des perspectives de valorisation d’un portefeuille de brevets au regard de la solidité des titres, et de la détectabilité des technologies utilisées dans les produits concernés, puis de comparer ces perspectives à d’autres éléments stratégiques tels que l’image de l’entreprise et la perception par des tiers d’actions en justice ou même de contentieux amiables.

 

Article rédigé par Olivier Horr, du cabinet LLR