Bien que la procédure de délivrance en France soit généralement rapide, de multiples possibilités d’accélération de la procédure existent.
En France, environ la moitié des demandes de brevets sont délivrées dans les 30 mois à compter de leur dépôt. Cependant, il est dans certains cas possible d’obtenir la délivrance plus rapidement, ou d’accélérer la procédure concernant des demandes habituellement délivrées après une durée plus longue. Néanmoins, cette stratégie n’est pas toujours avantageuse, et votre CPI peut vous aider à déterminer la meilleure option adaptée à votre cas.
La demande de publication anticipée : un moyen simple d’accélérer la procédure, mais à manier avec précaution
Une demande de publication anticipée peut être déposée, aux termes de l’article L. 612-21 du code de la propriété intellectuelle, à tout moment avant l’expiration d’un délai de 18 mois à compter de la date de dépôt (ou de la date de priorité). En pratique, il est préférable d’attendre a minima l’autorisation de divulgation et d’exploitation notifiée en général quelques semaines après le dépôt de la demande.
Une fois la demande de publication anticipée traitée par l’INPI, la publication de la demande est en général effectuée à l’issue d’un délai de six à dix semaines après la demande de publication anticipée.
Une telle publication anticipée a pour avantage principal de faire entrer plus vite l’enseignement de la demande publiée dans l’état de la technique.
Une demande de publication anticipée peut également être déposée pour accélérer la procédure de délivrance. En effet, du fait que les tiers peuvent déposer des observations dans un délai de trois mois à compter de la publication du rapport de recherche préliminaire, l’INPI ne produit pas de décision de délivrance avant l’expiration de ce délai. Ainsi, publier la demande (et son rapport de recherche préliminaire) de manière anticipée, permet d’avancer ce délai d’observation de tiers. L’INPI se trouve alors en mesure de prendre une décision de délivrance de manière anticipée.
Toutefois, requérir une telle publication anticipée peut présenter des inconvénients. En effet, le principe même du délai avant publication est de permettre au déposant de conserver son invention secrète pendant une certaine période, de telle manière que celui-ci puisse notamment conserver une avance technologique sur ses éventuels concurrents. En outre, dans le cas d’extensions à l’étranger basées sur la priorité du dépôt d’une telle demande, si la priorité est non valablement revendiquée et que la demande de brevet a été publiée de manière anticipée entre la date de priorité et la date de dépôt à l’étranger, l’obtention ou la défense d’un brevet à l’étranger serait très certainement compromise.
La demande de délivrance accélérée : un moyen simple d’accélérer la procédure, mais dont l’application est peu probable en pratique
Une requête en délivrance accélérée peut être effectuée à tout moment dans un délai de dix mois à compter du dépôt de la demande de brevet. L’unique condition est d’avoir déposé la demande de brevet via le service en ligne « e-procédures » sur le site internet de l’INPI. La requête en délivrance accélérée peut même être présentée lors du dépôt de la demande de brevet. Selon la décision 2015-136 du Directeur général de l’INPI, l’INPI procède à la publication de manière anticipée uniquement lorsque certaines conditions sont remplies, notamment lorsque aucune antériorité pertinente n’est citée dans le rapport de recherche préliminaire. Ces conditions, relativement restrictives, ne sont remplies en pratique que pour une petite minorité des demandes. Cependant, dans le cas où toutes les conditions sont remplies, l’INPI s’engage à délivrer la demande dans un délai de vingt mois à compter du dépôt.
Ainsi, du fait des conditions restrictives nécessaires à cette procédure de délivrance accélérée, celle-ci nous semble peu pertinente en pratique.
Autres possibilités
Dans le cas où une publication anticipée n’est pas souhaitée, il existe cependant d’autres moyens pour obtenir une probabilité de délivrance rapide plus élevée :
- Lorsqu’une notification est émise, il convient de répondre rapidement de manière à régulariser la demande de brevet avant l’expiration du délai de réponse.
- Lors de la réponse au rapport de recherche préliminaire, la délivrance peut intervenir plus rapidement, notamment si le déposant modifie les revendications par combinaison avec une revendication pour laquelle aucune antériorité pertinente n’est citée. Cependant, une telle modification n’est pas forcément la meilleure option à envisager, si l’obtention d’un brevet d’une portée optimale est souhaitée. En effet, une modification des revendications peut restreindre très fortement la portée de celles-ci et ainsi affecter le pouvoir de défense ou de nuisance d’un brevet délivré sur la base de telles revendications. Votre Conseil en propriété industrielle (CPI) peut vous aider à déterminer la meilleure stratégie à adopter en fonction de votre situation.
- En particulier dans le cas où la demande de brevet est ancienne, une solution peut consister à requérir à l’INPI de procéder à l’examen en vue de la délivrance. Toutefois, cette solution n’est pas à envisager largement, en particulier du fait qu’elle n’est pas contraignante. Ainsi, un examinateur, aussi consciencieux soit-il, ne peut être en mesure de procéder à un tel examen accéléré avant délivrance pour l’intégralité des demandes de brevet dont il a la charge. Il convient donc d’émettre une telle requête de manière mesurée et uniquement en cas d’urgence.
- Une solution alternative, bien qu’extrême, peut être envisagée dans certains cas. Celle-ci consiste en la transformation de votre demande de brevet en demande de certificat d’utilité conformément à l’article L. 612-15 du code de la propriété intellectuelle. Du fait de cette transformation, la délivrance du certificat d’utilité est généralement beaucoup plus rapide que celle d’un brevet, du fait que la délivrance du certificat d’utilité est obtenue sans examen d’éventuelles antériorités citées. Toutefois, la durée maximale d’un certificat d’utilité n’est actuellement que de six ans (bientôt dix ans) à compter du dépôt, contre vingt ans pour un brevet.
Enfin, rappelons que l’INPI, aux termes de l’article L.411-1 2° a notamment pour mission de pourvoir à l’examen et à la délivrance des demandes de titres de propriété industrielle (dont font partie les demandes de brevets). Ainsi, du fait de sa mission, l’INPI doit se prononcer sur l’issue d’une demande de brevet, qu’il s’agisse d’un rejet ou de la délivrance.
Ainsi, si aucune des options présentées ci-dessus n’a permis ou n’est en mesure d’accélérer la délivrance de votre demande de brevet, soyez patient, car ce peut être un avantage pour vous. En effet, un certain nombre de demandes de brevets pendantes ne sont pas délivrées rapidement par l’examinateur, du fait qu’elles ne pourront pas l’être en l’état : un brevet ne pourra pas être délivré sur la base des revendications actuelles, qui sont par exemple d’une portée trop large. Par conséquent, bien qu’un brevet ne puisse être obtenu, vos concurrents sont dans l’incertitude car ils doivent tenir compte du fait qu’un brevet pourrait être obtenu sur la base de ces revendications de large portée, à moins d’analyser en profondeur votre demande de brevet. En outre, tant que la demande est en examen, vous avez la possibilité de déposer une demande divisionnaire (uniquement jusqu’au paiement de la redevance de délivrance), laquelle peut vous permettre d’obtenir ultérieurement un brevet couvrant une autre portée que celle initialement envisagée. Ainsi, l’accélération de la procédure de délivrance n’est pas toujours en faveur du déposant.
Par Jean-Nicolas Héraud