Par un communiqué de presse en date du 28 mai 2018, la Commission européenne nous informe qu’elle vient de proposer une dérogation pour les fabricants de médicaments génériques ou biosimilaires pendant la durée du Certificat complémentaire de protection (CCP).
La modification proposée par la Commission est ciblée et étroite : il s’agit en effet d’une « dérogation pour les produits protégés par des certificats complémentaires de protection fabriqués en vue d’être exportés hors de l’UE. »
« Grâce à cette dérogation, les entreprises établies dans l’UE pourront à l’avenir fabriquer la version générique ou biosimilaire d’un médicament protégé en vertu d’un CCP pendant la durée du certificat, sous réserve que la production soit effectuée exclusivement à des fins d’exportation vers un marché de pays tiers dans lequel la protection a expiré ou n’a jamais existé. » La Commission insiste également sur le fait que « les médicaments bénéficiant d’une protection par CCP conserveront toute leur exclusivité commerciale au sein de l’UE. »
La proposition – qui modifierait l’article 4 du règlement CE 469/2009 concernant les CCP pour les médicaments – devra d’abord être adoptée par le Parlement européen et le Conseil. Une fois adoptée, elle sera directement applicable dans tous les États membres de l’UE.
La proposition s’accompagne de garanties « anti-détournement », notamment l’obligation de notifier, ex ante, une telle fabrication à des organismes publics nationaux indépendants (en particulier l’autorité qui a délivré le CCP dans l’État membre où la fabrication doit avoir lieu) et des exigences d’étiquetage et de diligence du fabricant vis-à-vis de ses co-contractants (impliqués dans la chaine d’approvisionnement). L’exception sera en outre subordonnée à des conditions spécifiques (ainsi l’exception ne s’appliquera qu’aux CCP qui n’ont pas encore été accordés à la date d’entrée en vigueur, et seulement après une période transitoire). Une évaluation de l’efficacité du nouveau règlement par la Commission est prévue tous les 5 ans (nombre de sites de fabrication en UE, exportation de produits fabriqués en UE et couverts par le règlement, activité de R & D…).
La Commission motive sa proposition par les profondes mutations que l’on observe actuellement sur le marché pharmaceutique, aussi bien en Europe qu’au niveau mondial : forte augmentation de la demande, accroissement de la part de marché détenue par les médicaments génériques et biosimilaires ou menace sur le rôle de l’industrie pharmaceutique européenne.
La proposition vise à supprimer les désavantages concurrentiels auxquels sont actuellement confrontés les fabricants de génériques et de biosimilaires basés dans l’UE, qui conduisent à une délocalisation croissante de la fabrication de génériques et de biosimilaires en dehors de l’UE.
De son côté, la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques (EFPIA) se dit « profondément préoccupée par la proposition de la Commission européenne ». Ainsi Koen Berden, l’un des experts de l’EFPIA, considère que la proposition est « d’autant plus étonnante que d’autres pays, notamment la Chine, vont dans la direction opposée en renforçant le cadre juridique de leur propriété intellectuelle, avec l’ambition de devenir l’Europe de demain. »