Dans un arrêt du 7 décembre 2017, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a statué que le règlement européen concernant le Certificat Complémentaire de Protection (CCP) pour les médicaments doit être interprété en ce sens que l’avis de fin de procédure en vue de l’octroi d’une AMM – par l’État membre de référence de l’Union européenne – ne peut être assimilé à une AMM (autorisation de mise sur le marché). Un CCP ne peut pas être délivré sur la base d’un tel avis.
En réponse à une demande de décision préjudicielle présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Merck Sharp & Dohme Corp. (MSD) au Contrôleur général de brevets britannique, la CJUE s’est penchée, dans l’arrêt C‑567/16 sur l’interprétation du règlement (CE) n° 469/2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments.
Une procédure longue entre le dépôt de laalla demande de brevet et la délivrance de l’AMM
MSD était titulaire du brevet EP 720 599, déposé le 14/09/1994 et délivré le 19/05/1999 ; ce brevet couvre le principe actif « ézétimibe » ainsi que des associations avec d’autres principes actifs. MSD a développé une association médicamenteuse de deux principes actifs, l’ézétimibe et l’atorvastatine, visant à diminuer le taux de cholestérol ; MSD a présenté, en septembre 2013, des demandes d’AMM (autorisation de mise sur le marché) pour ce médicament dans plusieurs États membres, selon la procédure décentralisée prévue par la Directive 2001/83, la République fédérale d’Allemagne agissant en tant qu’État membre de référence.
Rappelons que selon cette procédure, l’État membre de référence prépare un rapport d’évaluation sur le médicament et le notifie, avec d’autres informations concernant les caractéristiques du produit et son étiquetage, aux autres États membres, pour approbation. L’État membre de référence, lorsqu’il a constaté l’accord général, clôt la procédure et en informe le demandeur.
Le 10/09/2014, l’administration allemande compétente a délivré un avis de fin de procédure conformément à l’article 28 paragraphe 4 de la Directive 2001/83 ; le 12/09/2014, la première AMM a été octroyée par l’autorité nationale compétente française. A cette même date, MSD a déposé, pour EP 720 599, une demande de CCP au Royaume-Uni sur la base de l’avis de fin de procédure délivré le 10/09/2014, en arguant que ledit avis emportait le consentement de tous les États membres concernés, y compris celui du Royaume-Uni, à délivrer une AMM.
Le 13/09/2014, le brevet EP 720 599 a expiré.
Rejet de la demande de CCP par l’office britannique, mais des décisions divergentes selon les États membres
L’office des brevets britannique (UKIPO) a rejeté la demande de CCP, et MSD a introduit un recours devant la Haute Cour de justice, chambre des brevets (High Court of Justice – England & Wales – Chancery Division, Patent Court).
Cette juridiction de renvoi a estimé que la décision de l’UKIPO était fondée, l’octroi d’une AMM à la suite de la délivrance d’un avis de fin de procédure n’étant pas une simple formalité administrative : un tel avis n’équivaudrait pas à une AMM au sens de l’article 3 b du règlement CCP.
MSD avait par ailleurs demandé à ce que la demande de CCP soit complétée lorsque l’AMM serait délivrée au Royaume-Uni, pour « remédier aux irrégularités entachant cette demande » en application de l’article 10, paragraphe 3, de ce règlement CCP. La juridiction a en outre estimé qu’il ne pouvait être remédié à l’irrégularité entachant la demande de CCP déposée par MSD au Royaume Uni.
Elle relève toutefois que des demandes de CCP correspondantes déposées par MSD ont été accueillies au Danemark, en Grèce, en Italie et au Luxembourg. La High Court of Justice a donc décidé de surseoir à statuer et de poser les questions préjudicielles à la CJUE.
Les réponses de la CJUE confirment l’interprétation de l’office britannique:
- l’article 3, sous b), du règlement CCP doit être interprété en ce sens que ne peut être assimilé à une AMM, au sens de ladite disposition, un avis de fin de procédure émis, conformément à l’article 28, paragraphe 4, de la directive 2001/83, par l’État membre de référence, avant l’expiration du brevet de base visé à l’article 1er, sous c), du règlement CCP, de telle sorte qu’un CCP ne peut être obtenu sur le fondement d’un tel avis.
- l’article 10, paragraphe 3, du règlement CCP doit être interprété en ce sens que l’absence de délivrance d’une AMM, par l’État membre concerné, à la date du dépôt de la demande de CCP dans cet État membre, ne constitue pas une irrégularité susceptible d’être réparée au titre de cette disposition.
La position de la CJUE n’est pas vraiment surprenante. En effet, le règlement (CE) no 469/2009 définit sans équivoque les conditions d’obtention du certificat pour un produit qui en tant que médicament doit avoir obtenu, dans l’État membre où est présenté la demande, « une autorisation de mise sur le marché en cours de validité conformément à la directive 2001/83/CE ou à la directive 2001/82/CE suivant les cas« .
Mais les enjeux liés à la prolongation de monopole par le biais de CCP entraîneront probablement d’autres saisines de la CJUE pour explorer l’interprétation des textes pertinents.